affiche2004Denrées rares

Films et vidéos sont aujourd’hui des denrées essentielles et communes à tous. Seulement voilà, les plus consistantes ne tombent pas sous la dent du plus grand nombre. C’est que l’indépendance et la pluralité d’expression sont mal loties en matière d’audiovisuel. Dernière preuve en date, la réforme du statut des intermittents… toute à la charge de ces derniers. Pour des sujets sociaux, pour des oeuvres et des regards singuliers, les financements sont difficiles et longs, l’accès aux salles rare et bref, les diffusions à la télévision tardives, câblées et limitées aux seuls canaux agrées (et vendus) par l’État.

Donner de la place et du temps
Pour palier à cette carence organisée, Bobines Sociales entend donner de la place et du temps aux films et aux vidéos qui ne se satisfont d’aucune généralité avant d’avoir touché la réalité elle-même. Durs à produire, durs à montrer, durs à cuire, ces oeuvres et ces documents donnent à penser. Rien à voir avec les marchands de soupe, les formats banalisés des grilles de programmes.
Une faculté humaine ne vaut que si elle reste un tant soit peu en éveil.
C’est dire si ces films méritent d’être diffusés.
Mais, ça, vous nous le direz…

 


Programmation Studio de l’Ermitage


Quand le travail turbine la société

Ces dernières années, le travail est réapparu sur les écrans. Documentaire et fiction ont planté leurs caméras dans les usines, les chantiers, les magasins et les bureaux. Il était l’année dernière de toutes les manifestations, il est dans toutes les têtes, même celles des plus jeunes. On le retrouve dans quelques bobines de films et cassettes vidéo.
Deux thématiques pour appréhender ce phénomène de société :

1. Travailleurs mondialisés, si vous saviez…
Fermer une usine rentable quelque part pour faire des bénéfices à moindre coût ailleurs – Emigrer d’un pays pauvre pour se faire exploiter en pays riche – Ouvriers virés de leur entreprise, dessaisis de leur travail par un patron insaisissable – Clandestins sans papiers contraints de travailler à leurs risques et périls pour des entreprises qui ont pignon sur rue – Mise en concurrence internationale des travailleurs, chantage global au chômage ou à la famine, struggle for life à géométrie variable… Trois séances pour donner envie de construire et d’imposer le droit du travail international qui manque à tous les travailleurs mondialisés :

SEANCE 1 // samedi – 11h

  • 27 Femmes de ménage contre une multinationale de Sonia Chikh & Jérôme Polidor (Reportage 2002 – 11′ – Les Engraineurs – 93 TV)
    La multinationale s’appelle ACCOR, et l’entreprise Arcade. Et les 27 femmes de ménage ont gagné…
  • La Promesse de Luc et Jean-Pierre Dardenne (Fiction 1996 – 90′ – Les Films du Fleuve)
    Assita, femme africaine, vient en Belgique rejoindre son mari Hamidou, émigré clandestin. Celui-ci a disparu. Elle le cherche avec Igor, un gamin sans foi ni loi dont le père, négrier, est l’employeur d’Hamidou.
SEANCE 2 // samedi – 13h

  • Sur les Cendres du Vieux Monde de Laurent Hasse (Documentaire 2001 – 73′ – ISKRA)
    « Le propos de départ était celui-là : On est en guerre économique, c’est un champ de bataille, j’ai choisi l’exode et je cherche des gens qui font de la résistance. » L. Hasse
SEANCE 3 // dimanche – 11h

  • A l’attaque ! de Robert Guédiguian (Fiction  1999 – 90′ – Agat Films)
    Moliterno & Cie. Gigi et Jean-Do réparent les autos, Lola les nettoie et Marthe tient la comptabilité. Le papy chante des chansons révolutionnaires, Vanessa et Mouloud font les marchés. Tout ce beau monde travaille très dur pour s’en sortir. Malgré leurs efforts, l’entreprise familiale est menacée par les traites impayées d’une multinationale.

2. Faut souffrir pour travailler. Et quoi encore ?

Quoi qu’on entende aujourd’hui, le travail est toujours une valeur-phare : une valeur qui fonde notre vie, notre existence sociale, et notre identité. Mais lui, ça ne l’a pas empêché de changer…
Après 1968, les grandes entreprises n’ont eu de cesse de casser la capacité de mobilisation trop importante, et dangereuse à leurs yeux, des travailleurs. Dans ce but, elles ont su capter à leur profit les aspirations neuves apparues parmi leurs salariés : plus d’autonomie, de responsabilités dans le travail… Or, si les nouvelles stratégies de management ont répondu en partie à ses aspirations, elles n’ont pas fondamentalement changé l’organisation du travail. Avec la Crise et les restructurations à grande échelle, elles ont triomphé des résistances collectives : individualisation des carrières, perte d’influence des syndicats, sous-traitance, mort annoncée du CDI, chômage de masse… On pourrait continuer, le résultat est le même : flexibilité et précarisation des travailleurs. La chute du mur de Berlin et des communismes, ça n’a rien arrangé. Aujourd’hui, on parle de financiarisation de l’économie. C’est un mot un peu savant, mais la réalité est violemment crue : bien des travailleurs, toutes catégories sociales confondues, souffrent tout simplement. Leur attachement à la valeur Travail a été sacrément malmené. Si bien qu’à leur tour, certains parmi eux sont tentés de remodeler la place du travail dans leur existence et son organisation dans la société…

SEANCE 1 // samedi – 18h

  • La Candidate de Laurent Salters (Documentaire 1997 – 25′ – Ateliers Varan)
    Jeanine, directrice financière âgée de 51 ans, vient de perdre son emploi. Elle a beaucoup de mal à accepter cette nouvelle situation, et les conseils que lui donne la consultante de son cabinet de placement ne semblent pas la convaincre.
  • Chômage et Précarité de Catherine Pozzo di Borgo (Documentaire 2003 – couleur 80′ – INA/CNRS)
    L’Europe vue d’en bas par ceux qui la subissent plus qu’ils ne peuvent en vivre.
SEANCE 2 // samedi – 20h

  • Attention Danger Travail de Pierre Carles, Christophe Coello & Stéphane Goxe (Documentaire 2002 – 87′ – C-P Productions)
    Rompant avec un climat d’angoisse et de peur sciemment entretenu, des personnes aux profils très distincts évoquent leur acte de désertion du marché du travail et la volonté de ne plus perdre leur vie à la gagner.
SEANCE 3 // vendredi 18h

  • Alter Egaux de Sandrine Dryvers (Belgique documentaire 1999 – noir et blanc 12′ – Latitudes Production)
    Travailler, quel est encore le sens de ce mot ?
  • Vaincre ou périr de Fabienne Dupont (Documentaire 1998 – 40′ – Ateliers Varan)
    Sandrine, agent commercial, vend au porte à porte des encyclopédies juridiques dans les cités de St-Ouen. Les réunions des vendeurs dans les bureaux, le démarchage des clients potentiels, et les relations de la jeune femme avec ses supérieurs hiérarchiques tracent le portrait d’un monde basé sur la compétition et l’agressivité.
  • Quel Travail de Cyril Mennegun (Documentaire 2002 – 52′ – Flight Movie Production)
    En France, un collégien sur trois intègre un lycée professionnel. Nora, Mathieu, Hilal, Karim, des jeunes désorientés par cette orientation précoce, parlent des études, du travail, de la vie : leur saisissante justesse est un électrochoc pour notre système social. A ne pas manquer !

Itinéraire Marcel Trillat, en trois séances et une rencontre

Marcel Trillat est journaliste d’images. De ses débuts à l’ORTF dans le prestigieux magazine d’information Cinq Colonnes à la Une à Envoyé Spécial sur France 2, il a connu toutes les époques du service public de l’audiovisuel français. Mais aussi les groupes de réalisation militants des années 1970 : la CREPAC, UNICITE, Radio Lorraine Coeur d’Acier… Marcel Trillat a arpenté la société française et les conflits internationaux sans cesser d’être fidèle à ses intérêts et à sa morale : d’abord journaliste, militant ensuite ; communiste ET démocrate, dans des temps où ça n’allait pas de soi. Cette indépendance de vues lui a valu d’être licencié en 1968, et écarté en 1986 par la droite, mis à l’index par la CGT en 1980 et placardé par la gauche en 1991… Et pourtant, il tourne : ses deux derniers films, 300 Jours de Colère et Les Prolos ont été co-produits et diffusés sur France 2 en 2003. Un homme et des films d’intérêt public, à découvrir dans toute leur ampleur.

SEANCE 1 // vendredi – 20h // La classe ouvrière existe… Où sont les ouvriers ?

  • 1er Mai à Saint-Nazaire de Marcel Trillat (Reportage 1967 – noir et blanc 30′ – ORTF)
    Journée de victoire syndicale sur les chantiers navals et découverte de la censure pour M. Trillat.
  • Les Prolos de Marcel Trillat (Documentaire 2003 – 92′ – VLR productions)
    Disparus les prolos ? Marcel Trillat a poussé la porte de leurs taules. Il nous emmène faire un tour du monde ouvrier d’aujourd’hui, dans toute sa diversité, de Saint Nazaire à Paris.

SEANCE 2 // samedi – 15h // Étrange France

  • Etranges Etrangers de Marcel Trillat (Documentaire 1970 – couleur 60′ – CREPAC/Scopcolor)
    Marcel Trillat s’est rendu dans les bidonvilles d’Aubervilliers et de Nanterre, à la rencontre d’immigrés d’origines portugaise et africaine. Composé d’images prises sur le vif et de témoignages, ce film dénonce avec force la politique alors suivie par la France en matière d’immigration.
  • Travailleurs Fantômes de Marcel Trillat (Documentaire 1994/95 – 52′ – Envoyé Spécial)
    A la recherche de ces travailleurs qui hantent les soubassements de notre économie.
SEANCE 3 // dimanche 13h // Jeunes, vous demande-t-on votre avis ?

  • Une petite fille de sept ans de Paul Renty et Marcel Trillat (Reportage1966 – noir et blanc 15′ – ORTF) 
    « On ne peut plus élever les enfants en 1966 comme si la télévision n’existait pas »
  • Ce Jour-là de Paul Seban, Jacques Krier, Marcel Trillat (Reportage 1967 – noir et blanc 27′ – Dynadia) 
    Ce reportage suit la mobilisation d’un groupe de jeunes militants de la Jeunesse Communiste partis en bus de Lille pour manifester à Paris contre la guerre du Vietnam, le 26 octobre 1967.
  • Les Enfants de la dalle de Marcel Trillat (Documentaire 1998 – 52′ – Envoyé Spécial)
    Cité des Tarterets contre cité des Pyramides. Un mort. Enquête, après la fièvre médiatique, sur la jeunesse des banlieues.
Rencontre avec Marcel Trillat // samedi 24/01 – 17h


Place de la République 1972 – 2002, une saga de quartier sur trente ans !

Revenu d’Inde en 1972, Louis Malle trouve un Paris changé. L’air du temps n’est plus le même qu’en 1968. Les gens semblent habités différemment…
Pour retrouver ses marques, Louis Malle s’installe place de la République pendant dix jours, avec caméras et micros, et tente d’engager la conversation avec les passants… Trente ans plus tard, deux jeunes cinéastes, nouveaux venus à Paris et férus de Louis Malle, décident de reprendre le même dispositif. Histoire de voir de quel air les gens vivent place de la République, à Paris, en 2002. Trente ans plus tard, que sont les passants devenus ?

Place de la République 1972 – 2002 c’est une saga de quartier sur trente ans

« Nous nous installons sur 50 mètres de trottoir, caméra et micro bien en évidence, nous abordons les passants. »
« Nous voulons vous connaître, avez-vous envie de nous parler ? »

SEANCE // dimanche 18h et 20h

  • Place de La République de Louis Malle (documentaire 1972 – 95′ – La NEF)
  • Place de la République de Xavier Gayan (documentaire 2002 – 90′ La NEF)

Luttes vécues, luttes filmées

Tant il est vrai que la lutte déclenche le désir de s’exprimer et de témoigner, de marquer d’une pierre blanche et de partager ces moments charnières dans la vie des hommes, certains salariés en lutte les ont filmé.

SEANCE // dimanche – 15h

  • Les trois quarts de la vie du groupe Medvedkine de Sochaux (Documentaire 1971 – noir et blanc 20′ – SLON-ISKRA)
    1971, usine Peugeot à Sochaux : les jeunes français immigrés à Sochaux démontent le mécanisme de l’exploitation dans leur vie quotidienne telle qu’elle a été pensée par Peugeot. Ils jouent et racontent le recrutement, l’embauche, les horaires, le logement et la lutte qui a été menée par les ALTM-Foyers de jeunes travailleurs.
  • La lutte des Cadoux de Dominique Maugars (Documentaire 1977-1983 – couleur 30′)
    Entreprise Cadoux à St Pierre des Corps près de Tours : Dominique Maugars et ses amis du Club Cinéma du CE filment leur lutte pour leur intégration à la SNCF. Leur entreprise ne travaille que pour la SNCF. Elle appartient à la SNCF, sauf le personnel…
  • SFP en grève et solidaire rushes documentaires tournés par des techniciens de la SFP  (1979 – environ 15′)
    En 1979, suite à la perte des obligations de commande qui occasionne le licenciement de cinq cents de ses techniciens, la SFP se met en grève pour plusieurs semaines. Des équipes de réalisation se constituent et parcourent la France pour soutenir par l’image les conflits sociaux du moment. Le 23 mars 1979, une manifestation nationale solidaire avec les industries du Nord et de Lorraine a lieu à Paris. Les techniciens de la Société Française de Production en grève ont constitué des équipes pour filmer les cortèges qui convergent de la banlieue sur Paris.

Et aussi

Pendant tout le festival, revivez les riches heures de Radio Lorraine Coeur d’Acier ! Elle s’est distinguée des autres radios pirates militantes par sa liberté de ton (ses revues de presse caustiques) et l’audace de ses sujets de société. Ecoutée et défendue avec ferveur par ses auditeurs lorrains contre les tentatives de brouillage et de saisie du gouvernement. LCA a émis du 17 mars 1979 au 20 janvier 1981. Des extraits seront diffusés pendant le festival.

Exposition de photographies « Mains d’œuvre » d’Olivier Perriraz ( Nouvelle Vie Ouvrière) pendant la durée du Festival. Librairie et tables de presse

Dimanche 25 à 17 heures, La revue CinémAction présentera sa dernière publication, « Le cinéma militant reprend le travail », dirigée par Guy Gauthier et Thomas Heller, Sébastien Layerle, Monique Martineau.
Au sommaire : « Militantisme et cinéma, de la pratique à la théorie », « Fluctuat Nec Mergitur » (les sociétés de production militantes), « Après 1981 : le militantisme autrement », et une filmographie de 700 films militants de 1967 à 1981…

Avec : www.cinemaction.net, Co-errances, La Dispute, Le Temps des Cerises, Les Points sur les I…